Protéger les forêts face au climat: un engagement communautaire
Publié le 14 janvier 2025
«La forêt n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’elle et c’est là que tout commence».
Dans la commune de Val de Bagnes, les forestiers travaillent main dans la main avec différents acteurs pour accompagner les forêts face aux défis du réchauffement climatique. À travers le projet de l’Arbre-Lien, ils allient préservation des écosystèmes, maintien de leur rôle protecteur et recherche de solutions collectives, souvent innovantes et parfois inattendues, pour préserver ce patrimoine naturel et en garantir la résilience.
Les forêts de protection
Le canton du Valais, avec ses altitudes variant de 400 à 4 000 mètres, abrite une grande diversité de forêts, allant des pinèdes et chênaies de basse altitude aux forêts de montagne dominées par des résineux comme le sapin, l’épicéa et le mélèze. Près de 90 % de ces forêts sont dédiées à la protection des habitants et des infrastructures, faisant d’elles le premier ouvrage de protection du canton, une priorité dans ce territoire alpin densément peuplé. Cependant, le changement climatique pose un défi majeur : la montée des températures devrait déplacer les forêts de 600 à 700 mètres en altitude d’ici à quelques décennies avec un rythme beaucoup plus rapide que leur cycle naturel.
Les forestiers du Val de Bagnes misent sur l’accompagnement naturel de cette évolution, favorisant la diversité des essences et de la structure forestière pour garantir la résilience des écosystèmes. L’objectif est d’assurer une transition harmonieuse, permettant aux espèces des altitudes inférieures de coloniser progressivement les zones plus élevées, tout en maintenant la fonction protectrice des forêts.
L’implication de la population
On parle beaucoup de l’évolution de la forêt et du changement climatique, mais très peu des profondes transformations qu’a traversé la société ces 150 dernières années. Au XIXe siècle, le Valais était une société majoritairement rurale, où près de 98 % de la population pratiquait l’agriculture tout en exploitant la forêt. Les habitants de l’époque connaissaient intimement les écosystèmes forestiers, car leur survie en dépendait directement : le bois servait aux besoins domestiques et agricoles, et la compréhension des forêts faisait partie de leur quotidien.
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Nous vivons dans une société largement urbanisée, où moins de 3 % des habitants travaillent encore dans l’agriculture. Cette évolution a transformé la relation des individus à la forêt. Désormais, la majorité des gens la perçoivent à travers l’usage essentiellement immatériel qu’ils en font — loisirs, promenades ou exploitation ponctuelle —, plutôt qu’en comprenant son fonctionnement. C’est dans ce contexte que le projet de l’Arbre-Lien prend tout son sens. Ce projet vise à rétablir une connexion entre la population et la forêt, mais aussi à valoriser le savoir des forestiers, en partageant leurs connaissances, en sensibilisant les générations actuelles aux enjeux liés à ces écosystèmes et aux travaux qui doivent y être menés pour en maintenir les fonctions.
L’Arbre-lien, un projet pilote
La naissance de ce projet dans le Val de Bagnes a bénéficié d’un fort soutien communal. Dès le départ, l’objectif était clair: tenter de recréer un lien fort entre la population et la forêt tout en identifiant et protégeant des arbres remarquables ou d’autres appelés à devenir des «arbres d’avenir». Ces spécimens, repérés dans les massifs forestiers, sont soigneusement préservés, non seulement pour leur valeur écologique, mais aussi pour leur rôle symbolique dans ce rapprochement entre nature et société.
Les premiers ateliers organisés avec la population m’ont laissé une forte impression. Ces moments d’échange avec la population ont révélé un intérêt sincère et profond pour la forêt, bien que celui-ci varie en fonction des expériences et des origines de chacun. Les participants venus d’horizons très différents, comme des Nord-Américains résidant dans la région, ont enrichi les discussions en partageant des idées inspirées de leurs propres territoires. Cela a permis d’élargir les perspectives locales, offrant un aperçu de la diversité des relations que les sociétés entretiennent avec leurs forêts, mais également de la difficulté à concilier les différentes attentes.
Ces échanges ont également fait émerger des solutions innovantes et parfois inattendues, dépassant les idées préconçues des organisateurs. À chaque atelier, de nouvelles pistes étaient proposées, démontrant la richesse des contributions collectives. Ces moments ont confirmé une vérité essentielle: la collaboration et la diversité des points de vue sont des atouts majeurs pour relever les défis écologiques d’aujourd’hui et de demain. L’éducation et la connaissance constituent les meilleurs vecteurs pour la préservation des valeurs naturelles.
Inspirer d’autres communes
J’espère qu’une fois le projet pleinement établi à Val de Bagnes, il inspirera d’autres communes. Disposer d’une expérience concrète à partager pourrait encourager des régions, parfois moins favorisées financièrement, à oser se lancer. La forêt n’est pas seulement un patrimoine actuel, mais aussi un héritage pour l’avenir, et elle représente, selon moi, le meilleur moyen de garantir, en Suisse, des espaces naturels sains pour les générations futures.
Pour en savoir plus, visitez la page de l’Arbre-lien au Val de Bagnes
Découvrez la démarche de l’Arbre-lien portée par Laure Oberli et son bureau Popoulus