Quelle différence entre couper des arbres et déforester ?
Publié le 9 février 2025
C’est une des questions les plus fréquentes posées par mes élèves, d’abord à l’École Polytechnique Fédérale de Zurich puis désormais à la Haute École spécialisée bernoise. Dans cette première partie, nous explorerons des interrogations qui reviennent souvent: qu’est-ce qu’une forêt? Pourquoi la détruit-on? Quelle est la distinction entre déforestation et dégradation, et pourquoi est-ce important?
Définir la forêt est un acte politique
Définir une forêt semble simple. Pourtant en observant les forêts à travers le monde, on réalise qu’il n’y a pas de vision universelle. Pour certains, une forêt requiert un certain nombre d’arbres, une diversité particulière ou un degré minimal d’intervention humaine ; pour d’autres, une plantation d’eucalyptus ou un verger font l’affaire. Il existe plus de 1700 définitions officielles de la forêt selon les pays, les institutions et les langues, qui influencent les décisions politiques et économiques.
Il existe plus de 1700 définitions officielles de la forêt, qui influencent les décisions politiques et économiques.
L’une des plus courantes est celle de la FAO (Food and Agriculture Organization). Celle-ci considère qu’un espace de plus d’un demi-hectare avec des arbres pouvant couvrir au moins 10 % du sol et atteindre 5 mètres de haut est une forêt. Cette définition exclut explicitement les usages agricoles et urbains. Par cette formulation, un terrain sans arbres reste une forêt tant que ceux-ci peuvent y pousser. Bien que cette définition n’ait pas force de loi, modifier ses paramètres – la couverture au sol, la hauteur, la surface minimum –, qui semblent arbitraires, changerait la classification des terres. Définir une forêt n’est donc jamais neutre : c’est une décision politique qui impacte les aides financières, la protection des écosystèmes et les droits des communautés locales.
Déforestation et dégradation : une distinction essentielle
Il existe une grande diversité de forêts : les forêts tropicales, tempérées et boréales, les forêts denses ou ouvertes, les forêts exploitées et celles qui restent intactes. Toutes évoluent constamment sous l’effet de facteurs naturels et humains. Certaines transformations relèvent de la déforestation, d’autres de la dégradation.
Tant qu’une forêt reste dans les critères de la définition, les transformations qu’elle subit relèvent de la dégradation. Incendies, tempêtes ou coupes rases ne sont pas de la déforestation pour peu que les arbres puissent repousser.
La déforestation survient quand une forêt est transformée en terres agricoles, pâturages ou zones urbaines, et que l’on empêche les arbres de se réinstaller. Elle peut même se produire sans que l’on abatte un seul arbre, simplement en modifiant le statut légal d’un terrain.
L’agriculture est la principale cause de déforestation, représentant plus de 90 % de la déforestation mondiale.
L’agriculture – l’agro-industrie comme la petite agriculture de subsistance – est la principale cause de déforestation, représentant plus de 90 % de la déforestation mondiale, notamment sous les tropiques. Les infrastructures (routes, barrages, mines) ont un impact beaucoup plus limité en superficie, mais ont un effet multiplicateur en facilitant l’expansion agricole par l’accès à de nouvelles terres.
Quel est l’impact de l’exploitation forestière ?
L’exploitation forestière ne cause pas de déforestation tant que la terre reste forestière. Couper des arbres pour produire du bois d’œuvre, du charbon ou de la pâte à papier ne fait que dégrader la forêt. L’ampleur et la fréquence des coupes sont déterminantes : une gestion raisonnée – par exemple en Afrique centrale avec un arbre par hectare – permet à la forêt de se régénérer en 20 à 30 ans, tandis qu’une exploitation intensive – plus de 10 arbres par hectares – peut la dégrader durablement.
L’exploitation forestière ne cause pas de déforestation tant que la terre reste forestière.
Souvent, ces facteurs se combinent : le bois extrait finance des routes, facilitant l’expansion agricole et accélérant la déforestation. À Bornéo, les plantations d’huile de palme et de canne à sucre suivent l’exploitation forestière avec quelques années de décalage.
À suivre…