Gérer les forêts face aux insécurités climatiques
Publié le 2 janvier 2024
La forêt est perçue comme un lieu proche de l’état naturel, peu touché par le développement technique, offrant un cadre de délassement et de ressourcement privilégié, et comme un puits de carbone avec un effet positif significatif sur le climat.
Ces bienfaits deviennent encore plus évidents après les canicules et sécheresses, car la forêt possède la faculté de pomper l’eau profonde du sol, pour ensuite émettre celle-ci dans l’atmosphère qui, en s’évaporant, baisse la température ambiante.
La fonction de production de bois est malheureusement mal perçue, alors qu’elle reste essentielle à plusieurs égards. L’exploitation du bois permet de maintenir la forêt en bonne santé ce qui diminue les risques de destruction – par des tempêtes ou autres – et lui apporte aussi une meilleure résilience face aux diverses agressions et aléas répétés auxquels elle est exposée.
Évitons les erreurs du passé !
On oublie volontiers que les erreurs stratégiques du passé perdurent très longtemps, compte tenu de la longue durée de vie des arbres. C’est ainsi que, l’erreur faite au 19e siècle en maints endroits, de changer la composition naturelle des forêts en créant des fabriques-à-bois marque encore aujourd’hui le paysage forestier. Les monocultures d’épicéas, essence prétendument économique, sont hélas particulièrement sensibles aux catastrophes sanitaires, comme les attaques de bostryches. Ces ravageurs colonisent aussi des arbres en parfaite santé quand leurs populations dépassent une certaine densité.
Les monocultures d’épicéas, sont particulièrement sensibles aux catastrophes sanitaires, comme les attaques de bostryches.
Cela se produit après des années particulièrement chaudes et sèches, surtout quand elles se répètent, engendrant une perte de contrôle sanitaire qui peut durer plusieurs années. Ce n’est donc pas uniquement la sécheresse qui tue les forêts mais ses conséquences qui font baisser l’état de vigueur des arbres et des peuplements, les rendant vulnérables à des maladies.
La résistance des arbres à la sécheresse
Au cours de leur longue évolution passant par des phases d’aridité extrême, les arbres ont acquis des mécanismes assez remarquables de résistance, de survie et de rétablissement.
La croissance est rhythmique avec des phases de développement et de pause déterminées par l’aridité et la température. Cela apparaît très clairement dans les régions tropicales sèche où les arbres interrompent leur développement quand l’eau vient à manquer. Il se mettent alors en léthargie ou en dormance. La perte du feuillage et des racines fines interrompt l’activité végétale, mais les arbres ne meurent généralement pas. Ils possèdent des mécanismes insoupçonnés de rétablissement, soit par des bourgeons inactifs, en dormance depuis plusieurs siècles et présents sous l’écorce, soit par des bourgeons nouvellement créés.
Les arbres interrompent leur développement quand l’eau vient à manquer. Il se mettent alors en léthargie ou en dormance.
Dès que l’eau est de nouveau disponible les arbres reverdissent et reprennent leur croissance là où elle s’était arrêtée. Même en zone tempérée, les arbres possèdent encore de tels mécanismes dit de réitération. C’est d’ailleurs ainsi que, sous nos latitudes, la forêt se maintient en période hivernale. Les forêts ont donc une bonne résistance aux modifications de l’ambiance de vie, ce que le grand public ignore généralement.
Le type de reproduction des arbres, ou végétaux ligneux, est fondé sur un nombre très élevé de géniteurs dû au pollen diffusé en masse. Les descendants reçoivent ainsi des propriétés de très nombreux parents. La variabilité génétique des arbres est de ce fait élevée. Cela leur confère une grande adaptabilité aux conditions ambiantes.
Attendons et observons
En conclusion les forêts possèdent une bonne capacité naturelle de résistance aux facteurs de perturbation, notamment face sécheresse. De plus elles présentent une grande capacité d’adaptation aux modifications de leur environnement vital.
Aujourd’hui l’objectif principal de la gestion sylvicole est de créer des forêts en bonne santé, stables et diverses, tout en répondant au mieux aux autres attentes. Travailler avec des essences correspondant le mieux aux conditions du terrain (station) et d’ambiance, utiliser la régénération naturelle spontanée sont des principes de base pour favoriser cette bonne santé. Si le climat se modifie, il est possible que certaines essences ne soient plus aussi compétitives ni plus aussi résilientes qu’avant ; mais seul l’avenir permettra d’en juger. D’ailleurs le principal medium de la croissance des arbres est le sol, qui ne se modifie pas aussi rapidement que l’air ambiant. Donc, avant d’intervenir et de tout changer, il est préférable d’attendre et d’observer quel changement dû à quel facteur de survie aura quel effet sur l’écosystème.
Il est possible que certaines essences ne soient plus aussi compétitives ou résilientes qu’avant ; mais seul l’avenir permettra d’en juger.
La principale qualité du forestier-traitant c’est de bien apprécier les conditions actuelles de station. Il sait le faire en observant la végétation au sol qui représente un très bon indicateur de la réactivité de l’endroit. La sylviculture proche de la nature possède par ailleurs toute une panoplie d’actions qui peuvent se décliner selon la grandeur de l’ouverture de la canopée et selon les exigences en lumière des essences à régénérer. Mais pour ce faire il faut des professionnels bien formés et en nombre suffisant pour bien assumer les tâches de proximité.
(c) Image de Tobias Tullius