L’Ovaille, de la dévastation au grand cru

Publié le 7 décembre 2023

Mars 1584. La terre tremble dans le Chablais. Durant plusieurs jours, les secousses, ressenties jusqu’à la lointaine Genève, se succèdent avec violence. Le ciel est menaçant, les pluies intenses. Le 4 mars 1584, la montagne s’écroule dans un vacarme assourdissant. Une avalanche de pierres et de terre s’abat sur la vallée. Villages, champs et vignobles sont ensevelis. Les dégâts sont considérables et les morts se comptent par dizaines.

Les traces de l’éboulement
Quatre siècles plus tard, l’empreinte du gigantesque éboulement est encore bien présente. Sur la zone touchée, appelée Ovaille, du vieux français orvaille qui signifie désastre, la composition du sol a été profondément modifiée. Sous le cirque de Luan, en aval du pâturage de Plan Falcon, la végétation peine toujours à reprendre ses droits. La déclivité, le sol meuble et instable, l’action du gel et de l’eau caractérisent cette zone d’éboulis. C’est une représentation en miniature de la fameuse catastrophe. Plus bas, dans la forêt de l’Orvaille près du hameau de Luan, la présence d’imposants blocs de pierre témoigne de la fureur du cataclysme. L’épais tapis moussu qui recouvre le sol de ce vaste pierrier est exceptionnel. Parsemée de buttes verdoyantes, de bois mort coloré de lichens et de vieilles souches, cette forêt est aujourd’hui enchanteresse.

Un terroir unique
Dans la plaine dominant le village d’Yvorne, l’Ovaille est également un vignoble. Plantée sur le cône formé par l’éboulement, la vigne bénéficie d’un terroir unique sur ces parchets. La dominance du silex y apporte une spécificité minérale qui fit le renom de ses vins. Longeant le coteau du vignoble, un sentier permet en une quinzaine de minutes de remonter le torrent d’Yvorne jusqu’à une cascade. Dans ce cadre paisible, il est difficile d’imaginer qu’un jour une lave torrentielle déferla, en détruisant tout sur son passage, et que ce cours d’eau en fut le canalisateur.

Pour commémorer ce tragique événement, buvons à la mémoire des disparus. Un ovaille… grand cru.

 

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  • Marc Voltenauer

    Né en 1973 à Genève, Marc Voltenauer se destinait à être pasteur. Après des études de théologie, il réoriente sa carrière vers la banque puis l’industrie pharmaceutique et écrit son premier roman, Le Dragon du Muveran, publié chez Slatkine & Cie en 2016, puis chez Pocket l’année suivante. Ce texte remporte immédiatement un grand suc- cès, confirmé par Qui a tué Heidi ? (Slatkine & Cie, 2017), lauréat du prix du meilleur polar français des Nouvelles voix du polar, puis par L’Aigle de sang (2019). Ses trois romans ont caracolé en têtes des ventes en Suisse romande. En 2020, il publie le quatrième volet de sa saga : Les protégés de Sainte Kinga. Retrouvez toute l’actualité de l’auteur sur : www.marcvoltenauer.com

  • Benjamin Amiguet

    Benjamin Amiguet est né en 1986 et a grandi à Gryon. Après un apprentissage d’employé de commerce au MOB, il œuvre pendant quatre ans à la promotion touristique du canton au sein de l’o!ce du tourisme du canton de Vaud. Il travaille ensuite quatre ans à la Fédération suisse du tourisme à Berne et effectue en parallèle un brevet en marketing, puis un deuxième en gestion de projets « Nature et Environnement ». Depuis 2019, il est responsable de l’unité distribution aux Transports publics du Chablais.