Une forêt à toute épreuve et vivante

Publié le 5 octobre 2023

Toute forêt souffre des tempêtes, des sécheresses, des incendies, des attaques de parasites, des avalanches… mais seule la forêt pérenne se remet rapidement de ces catastrophes.

 

Qu’est-ce que la forêt pérenne ?
Depuis toujours, la forêt a subi des dégâts en lien avec des événements particuliers. C’est à la fois soumise à ces contraintes et en se reconstituant après chacune de ces épreuves que la forêt naturelle a évolué dans la grande majorité des cas en Europe vers une forêt constituée d’un mélange d’espèces d’arbres, de tous âges. Les forestiers qualifient ces forêts de forêts mélangées-étagées ou pérennes par opposition aux forêts fortement modifiées par l’homme, constituées d’arbres d’une seule espèce et tous du même âge.

C’est donc en s’inspirant des forêts naturelles que le forestier naturaliste entretient ses forêts en mélangeant les espèces et les individus de tous âges. Outre le fait d’obtenir des forêts plus naturelles, le forestier contribue également au développement de forêts plus résistantes aux maladies et aux parasites car ceux-ci sont liés à une espèce d’arbre. Dans un mélange, la transmission et la propagation d’une maladie ou d’un parasite est entravée par la présence d’autres espèces. Ainsi, une forêt pérenne n’est jamais malade ou parasitée sur une grande surface.

Le renouvellement naturel des arbres
De plus, c’est un modèle qui s’adapte bien aux changements. Le renouvellement des arbres se fait par voie naturelle, en profitant des semences produites par les arbres adultes qui se répandent et germent sur le sol forestier. Là où la nature ou le forestier a créé une clairière, la jeune plantule née d’une graine trouve suffisamment de lumière pour poursuivre sa croissance. Comme la nature est généreuse, une jeune plantule n’arrive jamais seule ; elle est accompagnée de nombreuses autres plantules de plusieurs espèces d’arbres. Chacune de ces petites plantes possède un patrimoine génétique unique. Les jeunes arbres les mieux adaptés au climat et au sol dans lesquels ils s’implantent s’imposent par rapport aux autres. Autrement dit, les plantes avantagées par un patrimoine génétique qui supportent les conditions chaudes et sèches s’imposeront face à d’autres plantes d’espèces différentes ou non. C’est de cette manière que le matériel génétique des arbres évolue, permettant à la forêt de s’adapter.

Des forêts plus saines
Si la forêt pérenne est plus saine, elle est aussi plus productive. Chaque espèce a ses propres maladies et parasites mais aussi un système racinaire spécifique. L’épicéa, par exemple, a des racines traçantes qui se déploient uniquement dans les couches supérieures du sol, alors que le chêne et le sapin blanc vont explorer les profondeurs avec leurs racines pivotantes. Le système racinaire du hêtre, lui, a une forme de cœur, et il exploite plutôt la profondeur moyenne du sol. Si une forêt est constituée d’une seule espèce, seule l’eau et les minéraux d’une partie du sol sont utilisables alors qu’en mélangeant les espèces, la totalité du sol est utilisée par les arbres, ce qui conduit à une production de bois plus importante. Il en va de même pour la lumière. Les espèces avides de lumière apportent l’ombrage nécessaire à celles qui l’apprécient moins.

La diversité des arbres et des âges conduit tout naturellement à la multiplicité des plantes et des animaux. Ce mélange biologique enrichit alors les sols et fournit des prédateurs aux parasites des arbres, apportant à la forêt vitalité et santé. Un écosystème riche et stable est tout ce qu’il faut à l’épanouissement d’une belle forêt !

 

Photo © Mykola Komarovskyy

  • Jan Boni

    Jan Boni est ingénieur forestier. Ce neuchâtelois d’origine, diplômé de la chaire d’économie forestière de l’EPFZ, a toujours été convaincu par la forêt pérenne et par la qualité des prestations qu’elle fournit. Il est membre du comité de Pro Silva Suisse, association dont le but est de faire la promotion de la sylviculture naturelle.