Pourquoi faire renaître une forêt primaire en Europe?

Publié le 3 avril 2024

La plupart des grands pays situés aux latitudes tempérées – États Unis, Canada, Chili, Russie, Chine, Japon, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande – ont su conserver des forêts primaires de plaine, tandis qu’en Europe de l’Ouest nos ancêtres les ont détruites, ignorant qu’elles avaient une valeur écologique irremplaçable.

 

En Europe il n’en reste qu’une, celle de Białowieża entre Pologne et Biélorussie, qui est aujourd’hui menacée, en dépit des rappels à l’ordre de l’Union Européenne. L’association Francis Hallé pour la forêt primaire a été créée pour réagir à cette disparition et favoriser la renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest.

Le sommet de la diversité biologique
En matière d’écologie, une forêt primaire, c’est une forêt qui est à son maximum à tous les niveaux. On ne peut pas imaginer mieux. C’est le maximum de captation et stockage du CO2 atmosphérique dans des troncs devenus énormes, le maximum de fertilité des sols, le maximum d’alimentation des nappes phréatiques par de l’eau pure, le maximum de résilience de la forêt… Et le plus important : le maximum de biodiversité.

Cet état ne peut être atteint que si deux facteurs sont réunis :

  • L’espace nécessaire pour permettre à la forêt d’accueillir toute sa chaîne alimentaire, des animaux les plus petits aux plus grands, herbivores et prédateurs nécessitant de vastes territoires.
  • Le temps : car plusieurs siècles sont nécessaires pour que l’écosystème forestier se complexifie à son maximum et trouve son caractère primaire, non perturbé. Cela peut paraître long, mais à l’échelle des générations d’arbres, ça n’en représente que quelques-unes. Plusieurs générations d’arbres vont se succéder, chacun jouant un rôle particulier dans le développement et la structure de la forêt, permettant un enrichissement du nombre et des espèces de plantes et d’animaux au fil des années. Une fois la structure bien établie, la forêt croîtra également en hauteur, bien plus que dans une forêt secondaire.

Un projet sociétal sur plusieurs générations
L’association Francis Hallé pour la forêt primaire a été créée sur le principe qu’il n’était pas admissible qu’en Europe de l’Ouest nous n’ayons plus que des plantations d’arbres et des forêts secondaires, exploitées, artificielles et à biodiversité dégradée. Notre objectif est de réunir les conditions d’un retour de la forêt primaire de plaine en Europe de l’Ouest, avec la haute biodiversité qui caractérisait nos régions avant leur déforestation.

Un tel projet est, à son échelle propre, un enjeu d’intérêt général majeur : il rejoint toutes les politiques scientifiquement établies de protection forte et de réponses au dérèglement climatique, à l’effondrement de la biodiversité, et à l’épuisement des terres.

Concrètement c’est un vrai programme de recherche-action sur les enjeux d’un projet de libre évolution à une échelle temporelle et spatiale inédite. Il engage une réflexion sociétale. Loin d’une mise sous cloche, l’objectif est d’envisager, en co-construction avec les habitants et acteurs locaux, une nouvelle trajectoire favorisant une cohabitation avec la forêt qui permette le retour de dynamiques naturelles fortes, tout en s’intégrant et en enrichissant les réalités socio-économiques de la région sur le long-terme. Par définition, il est transgénérationnel.

 

 

Photo de la forêt de Białowieża © Arnaud Hiltzer

  • Damien Saraceni

    Damien Saraceni est engagé depuis plusieurs années dans des associations qui questionnent le rapport entre nos sociétés modernes et la place des arbres et des forêts. Membre de l’association Francis Hallé pour la forêt primaire, il y assure le poste de responsable de la communication.