Dans la forêt des impacts de la nature…
Publié le 25 avril 2024
L’impact de la forêt sur le bien-être est à la fois connu et ignoré. La majorité des gens savent en effet qu’une promenade en nature « fait du bien » mais très peu comprennent à quel point le contact avec la nature nous affecte. La science ne s’est intéressée à cette question qu’au milieu des années 1980 et de grandes zones d’ombre planent encore.
Jusqu’aux découvertes de Pasteur, les bienfaits de la nature étaient essentiellement associés à la qualité de l’air, en vertu de la théorie des « miasmes » qui attribuait nombre de maladies au « mauvais air », expression qu’on retrouve d’ailleurs dans la « malaria ». On a ensuite expliqué les bienfaits du contact avec la nature par l’exercice physique. Mais la marche, par exemple, ne produit pas les mêmes effets sur la santé mentale et physique selon qu’elle est pratiquée ou non en nature. Après une promenade en forêt, on remarque une diminution de l’inflammation (mesurée par les cytokines inflammatoires), qui n’apparaît pas après une marche en ville. La mémoire de travail, celle qui nous permet de stocker des informations pendant quelques secondes pour les utiliser après une interruption, est rehaussée par la proximité de la nature mais non du milieu urbain. On constate également une plus grande diminution du taux de glucide dans le sang après un exercice en forêt plutôt qu’en salle. Enfin l’activité parasympathique, qui régule notre système de détente, augmente jusqu’à 100% en forêt…
L’exercice physique n’est donc pas l’unique clé de compréhension des bienfaits de la nature, alors même qu’il a souvent été démontré que les bénéfices de ces exercices sont démultipliés par l’environnement naturel. Au niveau cardiovasculaire, par exemple, les espaces verts exercent un impact mesurable indépendamment de l’exercice physique.
Se laisser faire par la nature
Même sans exercice physique, le contact avec la nature s’avère donc bénéfique. Une recherche au Japon a pu montrer que le simple fait de rester en position assise dans un environnement naturel, produit une diminution des paramètres physiologiques suivants par rapport à ceux d’un groupe urbain : diminution de 12,4 % du taux de cortisol, diminution de 7 % de l’activité nerveuse sympathique, diminution de 1,4 % de la pression artérielle systolique et diminution de 5,8 % de la fréquence cardiaque. Certains de ces effets se manifestent avec une vitesse stupéfiante : l’activité électrodermale (EDA), qui mesure l’activité de notre système nerveux, réagit presque instantanément à l’environnement forestier. Il semble que les niveaux d’EDA sont réduits après seulement 3 minutes d’exposition à la nature, en particulier dans la forêt. Néanmoins, la probabilité de déclarer une bonne santé ou un bien-être élevé devient significativement plus élevée avec un contact supérieur ou égal à 120 min par semaine.
Aller en forêt impacte aussi positivement la fonction immunitaire. Qing Li, médecin immunologiste au département d’hygiène et de santé publique à l’Université de médecine de Tokyo et son équipe ont montré qu’une immersion relativement brève augmente à la fois le nombre et l’activité des cellules anticancer dont l’effet persiste dans le temps, à la fois grâce aux composés organiques volatiles inhalés par les promeneurs et la diminution du niveau d’hormones de stress.
Au niveau de la santé mentale, le risque relatif de développer un trouble psychiatrique est plus élevé chez les individus ayant grandi loin des espaces verts. Notre réaction physiologique à l’anxiété semble conditionnée par la présence ou non d’éléments naturels dans notre enfance. Et la ville, malgré les nombreux avantages qu’elle procure, génère par elle-même des troubles mentaux.
Notre relation à la nature
Il est grand temps de revoir en profondeur notre relation avec la nature. J’ai montré dans mon dernier livre que le massacre dont sont victimes tant d’espèces et d’individus ne provient nullement, comme on le dit si souvent, de notre ignorance mais au contraire de notre culture. En transformant les non-humains et certains humains en objets, nous nous sommes profondément séparés à la fois de la nature et de notre nature. Nous avons créé des êtres hors-sol et privés du ciel, qui ne connaissent plus ni le parfum de l’humus ni la voie lactée mais veulent sauver la planète. Et si on commençait par l’aimer pour tout ce qu’elle nous donne?
Voir aussi
Mansion, H. (2023), Réconcilier : Vers une identité environnementale, Éditions Nullius in verba
© Photo de Sebastian Arie Voortman